
Peut-on se fier à TripAdvisor?
C’est une question que je me pose depuis longtemps. Peut-on se fier aux notes et aux avis que l’on trouve sur TripAdvisor pour choisir un hôtel, un restaurant ou une activité? Tentative de réponse après plusieurs jours de réflexion et d’investigation.
Comme de plus en plus de voyageurs, je m’appuie sur des sites comme TripAdvisor pour «m’assurer» de la qualité d’une prestation avant de la réserver. Pas très aventurier tout ça, me diras-tu. Personnellement, j’apprécie pouvoir bien manger et bien dormir après un long trek d’une semaine fait avec une agence, elle aussi, de qualité. Petit coup de gueule destiné à ceux qui pensent que dormir dans des draps aux nuances de jaune douteuses et dîner dans des restos où le cafard est le secret du chef pour ajouter un peu de croquant aux mets rend leur voyage plus authentique.
Comment les notes peuvent être faussées
TripAdvisor, c’est la deuxième plateforme la plus consultée de l’industrie du voyage et du tourisme avec 160 millions de visites sur mai 2014. Seul Booking.com fait mieux avec 210 millions de consultations sur le même mois (chiffres de SimilarWeb.com).
TripAdvisor, Facebook, Google et Yelp sont les quatre plateformes les plus souvent victimes de manipulations de notes. En effet, contrairement à Booking.com qui n’autorise le dépôt d’avis qu’à ses seuls clients, les sites premièrement cités permettent à n’importe qui d’influencer les classements. Il faut noter que même s’il est nettement plus fastidieux de fausser les notes de Booking.com, la pratique existe bel et bien.
Mais restons sur TripAdvisor pour l’instant.
Avec certaines connaissances en informatique, il est très facile de propulser un business au sommet du classement de la ville qui lui correspond. Le quotidien italien Italia a Tavola, spécialisé dans la gastronomie et le tourisme, l’a d’ailleurs prouvé en créant un faux restaurant dans la commune de Moniga del Garda.
Mais ce tour de passe passe n’est pas donné à tout le monde. Très gourmande en temps, la «démarche» nécessite la création de multiples profils avec lesquels il faut ensuite poster des avis d’au moins 100 caractères via une adresse IP à chaque fois différente. Et vu que les hôteliers et les restaurateurs sont rarement des cracks en informatique (je généralise, pardon), ce sont certains acteurs de l’économie souterraine qui s’en mettent plein les poches.
Fiverr, le marché aux puces des Internets
Lancé en 2010, Fiverr, une plateforme où n’importe qui peut échanger un service contre $5, est le site référence pour entrer en relation avec ces manipulateurs d’avis.
J’ai parlé d’économie souterraine, mais dans l’absolu, Fiverr n’a rien d’illégal ou de criminel. Au terme de chaque vente, une facture destinée aux impôts est même émise par la plateforme! Mais ne soyons pas naïfs, beaucoup se gardent bien de déclarer leurs revenus 2.0. Et ils ont peut-être raison.
Toujours est-il qu’en quelques cliques, un versement de $5 par avis et un rapide échange de messages, quiconque pourrait intervenir sur la note moyenne de son commerce.
Mais alors; qui sont ces gens qui trompent volontiers les consommateurs en l’échange de quelques dollars? Des personnes sans doute pas très différentes de toi et moi qui possèdent un ou plusieurs – parfois des dizaines – compte(s) TripAdvisor!
Dans la peau du vendeur
Pour me faire une idée plus précise de l’ampleur du marché, j’ai décidé de publier ma propre annonce. Avatar féminin, description chaleureuse, biographie qui met en exergue un tas de compétences en relation avec l’annonce… bref, mes chances de séduire la clientèle sont optimisées au maximum.
En l’espace de 10 jours, j’ai gagné $60 ($48 en réalité, Fiverr prend $1 de commission pour chaque $5). Seulement $6 par jour, certes, mais plus une annonce enregistre de ventes, plus celle-ci prend du poids dans les résultats de recherche. Sur la durée, le gain journalier est destiné à augmenter si les clients vous accordent de bonnes notes (encore des notes, oui). Et sachant qu’il ne faut pas plus de 5 minutes pour poster un avis, le modèle est plutôt alléchant.
Un client m’a demandé trois faux avis positifs (5/5) pour le même établissement. J’ai donc dégainé deux nouveaux comptes en plus de celui que j’utilise régulièrement pour poster de vrais avis. L’un des deux avis posté par les nouveaux comptes a rapidement été détecté et supprimé par TripAdvisor. Si les trois commentaires ont été postés depuis trois IP venant de trois pays différents (Royaume-Uni, Allemagne et Brésil) grâce à un logiciel VPN, le tout dispatché sur 5 jours, c’est la jeunesse de deux des comptes qui a sans doute mis la puce à l’oreille de TripAdvisor. Toujours est-il que deux des trois faux avis sont passés sans faire broncher les robots du géant vert.
Bien évidemment, quelques jours après la publication de ces faux avis, j’ai lancé une procédure de suppression auprès de TripAdvisor. Les clients, les tricheurs, n’étaient pas très contents de voir les avis que j’avais posté disparaitre, mais tant pis! Quant aux $48 gagnés, je vais les utiliser pour apporter mon soutien à Warma Suyus, une ludothèque qui a pour but de dynamiser la vie culturelle des enfants de Quinua (Pérou).
Booking.com pas épargné
Bien moins décrié que TripAdvisor, Booking.com n’est pas si fiable qu’on pourrait le croire vis-à-vis de l’authenticité de ses avis. Comme je l’ai précédemment écrit, Booking.com permet uniquement le dépôt d’avis à des clients avérés ayant réservé l’hébergement en question via leur plateforme. Seulement voilà, au lieu que la transaction se limite à $5 dollars par avis comme c’est le cas avec TripAdvisor, le responsable d’un établissement n’a qu’à verser la somme équivalente au prix d’une de ses chambres (disons $100), plus un petit quelque chose ($10), à son complice. Ainsi, avec les $100 reçus, ce dernier serait en mesure d’effectuer une fausse vraie réservation afin d’avoir accès à l’interface de notation de la plateforme. Quant aux $100 – moins quelques commissions prélevées par Booking.com – ils retourneraient dans la poche du patron malhonnête. Pour info, le même stratagème est utilisé sur Amazon!
Aucun site n’est fiable à 100% en terme d’avis ou de notes, pas même Booking.com qui aime sous-entendre le contraire.
Comment TripAdvisor détecte les faux avis
Fort de sa décennie d’existence, le site se base notamment sur les comportements de ses utilisateurs dans leur globalité pour déterminer le naturel, ou non, d’une action isolée. Une analyse du contenu même de l’avis est également faite. Si l’algorithme signale une pratique douteuse, qui sort du cadre habituel défini, l’avis posté est alors mis en suspens afin qu’un contrôle humain ait lieu. Mais parfois, certains avis, ceux postés par les plus ingénieux, passent, hélas, à travers les mailles du filet.
Et puis, le tout devient encore plus délicat lorsqu’un représentant d’un établissement décide de prendre un concurrent pour cible en engageant le même type de ressources pour poster de faux avis négatif à son encontre. Une vraie cyberguerre!
TripAdvisor est tout simplement victime de son succès. En effet, d’après le cabinet de recherche Gartner, 10 à 15% des avis postés sur les réseaux sociaux sont achetés, et donc faux.
Dans les textes qu’on retrouve non loin des conditions d’utilisations, TripAdvisor dit faire tout son possible pour lutter contre cette fraude. J’ai envie de les croire. Malheureusement,«tout son possible» ne semble pas suffisant, mais j’ai franchement l’impression qu’il n’existe aucune solution capable d’éradiquer totalement cette pratique.
Et les guides papier dans tout ça?
Constatant l’impuissance de ces plateformes face à la filouterie de quelques individus véreux, on aurait tendance à se raccrocher à l’avis des guides papier tels que Lonely Planet, Rough Guides, Le Routard ou encore le Le Petit Futé.
Je pense que c’est une erreur.
Personnellement, après mon expérience au Pérou, j’ai décidé de bannir Lonely Planet. Quelques recommendations d’hôtels et de restaurants m’ont parues obsolètes et m’ont même causées une petite tourista. Et pourtant je suis tout sauf un sensible du bidon!
Il y a plusieurs facteurs qui me font penser qu’un guide papier est une moins bonne source que TripAdvisor et ses 10-15% de faux avis :
- Le guide est rédigé par un ou une poignée de journalistes/rédacteurs. Les avis en ligne, par des dizaines, centaines, voire milliers de consommateurs.
- Lorsqu’un établissement devient «Top Choice», le nombre de clients augmente fortement et le patron peut même se permettre de grossir les prix. Malheureusement, dès lors, dans certains cas, la qualité des services a tendance à baisser.
- Certains de ces «Top Choice» n’apparaissent pas/plus dans le Top 10 de la ville concernée de TripAdvisor.
- Les établissements mis en avant ne sont pas réévalués chaque année. Hors sur TripAdvisor, on peut se faire très rapidement une idée de l’état actuel d’un restaurant ou d’un hôtel en consultant les tous derniers avis.
Enfin, pour en finir avec les guides papier, parlons du livre Do Travel Writers Go To Hell? («Les rédacteurs voyage vont-ils en enfer?»), écrit par Thomas Kohnstamm.
Dans son livre, cet ancien rédacteur de Lonely Planet, admet, entre une ligne de coke et une partie de jambes en l’air, avoir écrit un certain nombre de ses recommandations en se basant uniquement sur l’opinion de locaux ou d’autres voyageurs, voire même d’internet… Sans tester l’établissement lui-même, donc! Selon ses dires, Lonely Planet ne lui accordait pas suffisamment de temps pour qu’il puisse tout explorer. Aussi, le salaire modique qui lui était offert l’aurait obligé quelques fois à accepter des pots de vin de la part de patrons d’hôtels et de restaurants en échange d’une bonne recommandation.
Malgré tout cela, je compte bien m’aider des guides papier Moon Guides et Footprint pour ma toute soudaine aventure en Amérique du Sud. Moins connus mais, parait-il, bien plus souvent mis à jour!
Bonnes pratiques
Afin de limiter les risques de me faire tromper par les faux avis d’un hôtel, d’une auberge de jeunesse, d’un restaurant ou d’un bar, j’utilise deux tactiques en particulier.
La première consiste à comparer les notes moyennes de l’établissement qui m’intéresse sur différents sites. En général TripAdvisor, Facebook et Yelp, ou encore Booking.com et Hostelworld dans le cas d’un hébergement. Si des différences de notes majeures sont constatées d’un site à l’autre, ça devient tout de suite assez louche. Soit le patron de l’établissement booste les avis sur l’une des plateformes, soit l’un de ses concurrents le plombe sur une autre. Dans un cas comme ça, difficile de savoir dans quel camp se situe l’honnêteté. Du coup, en général, j’abandonne cette piste. Nous ne jouons pas une partie de poker!
Quant à ma deuxième tactique, je l’utilise exclusivement lorsqu’il est nécessaire de régler un montant avant même d’avoir pu prendre connaissance des lieux. Ce fut le cas par exemple lors de mon séjour au Pantanal où 500 BRL m’avaient été demandés pour valider ma réservation. En fait, je contacte tout simplement les personnes à l’origine des derniers avis publiés… Pour leur demander un complément d’information, mais surtout pour vérifier l’authenticité du commentaire initial! Le taux de réponse est très élevé et les voyageurs se font souvent un plaisir de pouvoir aider!
Hélas, se contenter des profils comptabilisant plus de 50 avis reste théoriquement insuffisant. En effet, certains vendeurs sur Fiverr possèdent plusieurs centaines de clients. Il est donc fort probable qu’ils collectionnent plusieurs profils «bien fournis».
Finalement, comme me l’a bien fait remarquer Benjamin du blog Allant Vers, ces plateformes arrangent plus les professionnels du tourisme que les voyageurs du fait du lourd effort à faire en matière de tri des informations.
Alors, peut-on se fier à TripAdvisor?
Oui! C’est une excellente source d’informations! Néanmoins, il est nécessaire de le consulter avec un certain recul compte tenu des éléments que j’ai décrit tout au long de cet article. De plus, il faut garder en tête que tout avis est subjectif. Ce qui est parfait pour quelqu’un ne l’est pas forcément pour une autre personne. Cependant, combinés, les avis, s’ils sont majoritairement authentiques, indiquent de manière assez précise la valeur d’un commerce.
En espérant avoir pu t’éviter un lumbago ou une tourista, je te prie d’agréer mes salutations distinguées.
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