
Escapade en vieille ville de Berne
Non, étranger, Ausländer, straniero, la capitale de la Suisse n’est ni Genève, ni Zurich. C’est Berne! Moins de banques, moins d’horlogers, moins de pantins aux costards trop bien taillés pour être honnêtes, Berne, balaie certains clichés helvètes d’un revers slicé à faire rougir Roger pour dérouler le charme médiéval de sa vieille ville, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Pas la plus internationale, la Berne fédérale, là où siège le Parlement suisse, est souvent décrite comme une version miniature de Prague. Virevoltant autour d’un méandre de l’Aar, affluent du Rhin, la ville aux 130 000 habitants est un paradis pour l’individu de type épicurien.
Comme je l’ai laissé entrevoir, Berne, cinquième ville la plus peuplée de Suisse a plutôt les allures d’un grand village que d’une capitale européenne. Et c’est ça qui la rend si spéciale, unique. Ses rues pavées jonchées de rails de tramway desquelles locaux comme touristes ricochent d’un commerce à l’autre sont, sans aucun doute, ce qui nous vient à l’esprit en premier lorsqu’on évoque Berne.
Ses arcades interminables et ses nombreux marchés artisanaux contribuent également à cette image de village XXL qui va si bien à la cité bernoise.
A cet ADN de capitale atypique, vient ensuite s’ajouter l’ours, symbole absolu de la ville et de son canton. Pourquoi un ours? Pour faire peur aux ennemis? Peut-être quand on pense qu’au XVIe siècle, Berne était la plus grande cité-Etat du nord des Alpes! Cela dit, l’explication «officielle» est autre. En effet, selon la légende, lors de la fondation de la ville en 1191, le duc Berthold V de Zähringen aurait capturé un ours au cours de sa première partie de chasse et aurait ainsi utilisé cet épisode pour donner un nom et un symbole à sa nouvelle conquête!
Mais ce n’est pas tout. Plus tard, en 1513, au retour d’une victoire dans le Piémont, les Bernois ramenèrent un ours vivant en guise de butin de guerre et l’exhibèrent dans une fosse sur l’actuelle Bärenplatz (Place des Ours). Pour des raisons pratiques, la fosse a ensuite été déplacée à l’une des extrémités de la vieille ville.
Aujourd’hui, et ce depuis 2009, celle que tout Suisse connaît sous le nom de Fosse aux ours, Bärengraben ou encore Bären Park, est située au bord de l’Aar, juste à côté de l’ancienne fosse. Plus grande, plus moderne et plus adaptée au tourisme, celle-ci est en rénovation jusqu’à cet automne. Je n’ai donc malheureusement pas pu capturer quelques clichés de ces poilus mangeurs de poissons. Et je ne parle pas de Portugais.
Mais Berne, sa vieille ville, ne se résume pas qu’à des trams et des ours. L’un de mes endroits préférés c’est le Nydeggbrücke, celui qui mène à la Fosse aux ours, justement. En effet, de là, on peut apprécier pleinement la beauté de la vieille ville de Berne entre les eaux aux teintes glaciaires de l’Aar et les collines verdoyantes, d’un côté garnies de chênes, de l’autre de maisonnettes médiévales.
La Tour de l’Horloge ou Zytglogge (XVIe) est sans doute l’une des attractions touristiques les plus populaires de la ville. Surtout sur les coups de midi (et minuit, je suppose) où les âmes de passage s’agglutinent au pied de son jaquemart et de son carillon pour observer les douze coups. Un spectacle aussi pour les locaux qui, légèrement moqueurs, sont probablement très fiers de cette horloge astronomique à quantièmes. En plus celle-ci indique l’heure de Berne, soit 90 minutes de retard par rapport à l’heure d’été et 30 minutes de retard par rapport à l’heure d’hiver!
Berne est aussi officieusement appelée «La ville des fontaines» puisqu’on en dénombre plus de 100, dont 11 coiffées de leurs statues d’origine et décorées de figures allégoriques. Très originales, celles-ci datent de la fin du Moyen Âge et symbolisent certains héros, légendes et faits marquants de l’histoire bernoise. La plus connue, mais aussi la plus bizarre, est la Kindlifresserbrunnen, qui représente un ogre dévorant des enfants (première image ci-dessous). On pourrait aussi l’appeler «La ville des drapeaux», puisque ceux-ci pullulent dans le centre historique de Berne.
Le samedi, devant le Palais fédéral (Bundeshaus), un marché mettant en vedette de nombreux produits de la terre prend place. Il est possible de visiter le bâtiment, ou de simplement y faire le tour pour apprécier la massivité de son squelette et se délecter d’une vue supplémentaire sur l’Aar et les quartiers résidentiels de la capitale fédérale. Ici pas de gardes armés jusqu’aux dents comme on peut en voir devant chaque ambassade américaine partout dans le monde. Il n’est d’ailleurs pas rare de se casser le nez sur des têtes connues du monde de la politique suisse. Et toi, Français, tu t’imagines faire le marché dans la cour du Palais de l’Elysée? Pas trop, hein? 😀
Charmante, élégante, pas une seule seconde prétentieuse, ancienne mais pas vieillotte, Berne est, là où Paris et New York seraient les belles blondes aux artifices multiples et aux mamelles aguicheusement rafistolées, cette demoiselle avec qui on accepterait le meilleur comme le pire. Berne est calme, Berne est enjouée, Berne est organisée. Bref, Berne est parfaite… Parfaite pour celui qui souhaite se laisser vivre paisiblement.
Si la Suisse est un paradis, alors Berne en est le produit urbain le plus pur. Willkommen!
Quatre anecdotes sur la ville de Berne
- Le chocolat Toblerone, inventé par le Bernois Theodor Tobler est toujours fabriqué à Berne (!) et cache un ours dans son logo.
- Entre 1903 et 1905, Albert Einstein a séjourné au numéro 49 de la Kramgasse, non loin de la Tour de l’Horloge. C’est là-bas qu’il a effectué ses ultimes recherches sur la théorie de la relativité.
- La collégiale Saint-Vincent de Berne, plus connue sous le nom de Berner Münster, est l’édifice religieux le plus haut de Suisse (101 m).
- Perché à 542 m d’altitude, Berne, après Andorre-la-Vieille (1023 m) et Madrid (667 m) est la troisième capitale la plus haute d’Europe.
6 commentaires