warma suyus pérou

Un Breton et une ludothèque, au cœur des Andes péruviennes

Alors que mon voyage au Pérou approche à grands pas, l’heure est aux dernières prises d’informations et aux ultimes réglages d’itinéraire. A cette occasion, j’ai découvert par hasard, sur un forum, l’histoire d’Arnaud, Breton de 33 ans, qui, après être tombé sous le charme du Pérou lors d’un premier voyage en 2010, a décidé, avec l’aide d’un autre Français, d’ouvrir une ludothèque pour les enfants du village andin de Quinua. Récit d’un parcours plutôt atypique qui, je l’espère, en inspirera d’autres.

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Warma Suyus, tel est le nom donné à la ludothèque créée par Arnaud et son acolyte. En quechua, cela veut dire «Jeunesse du monde». Fasciné par le Pérou depuis sa plus tendre enfance grâce au dessin animé Les Mystérieuses Cités d’or, Arnaud a ainsi choisi le petit village de Quinua pour se lancer dans un projet qu’on ne peut qu’applaudir. Réputé pour sa poterie artisanale puisque pratiquée par près de 70% de sa population, Quinua, dont le nom n’est pas sans rappeler la fameuse pseudo-céréale, est perché à 3200 mètres d’altitude dans la cordillère des Andes et se situe à moins d’une heure de la ville d’Ayacucho.

Mais si l’économie péruvienne est actuellement sur la pente ascendante, les structures socio-éducatives en zones rurales sont quant à elles bien souvent de piètre qualité, voire inexistantes, obligeant ainsi les familles à improviser un système d’enseignement communautaire. C’est la raison pour laquelle, généralement, les locaux accueillent des initiatives comme celle d’Arnaud à bras ouverts.

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Tu as mis les pieds au Pérou pour la toute première fois en 2010, comment c’était?

Je suis parti quinze jours sans parler la langue et avec juste un petit peu d’anglais. Je pensais faire beaucoup de choses mais au final, compte tenu du temps passé dans les bus, mon temps de voyage en tant que tel a été relativement restreint. J’ai d’abord fait les lignes de Nazca, un régal. J’ai enchainé avec Arequipa que j’ai trouvé agréable, puis avec le canyon de Colca où ce fut fantastique. Là-bas, à Chivay, j’ai passé des moments inoubliables avec des personnes avec qui il était impossible de communiquer par la parole… Je distribuais des drapeaux bretons aux gens avec lesquels je m’entendais bien.

Plus tard, à Cabanaconde, alors que je pensais descendre au fond du canyon à Sangalle, j’ai fini par rencontrer un Ecossais et un Français avec qui j’ai préféré me glisser dans la fête du maïs. Impressionnant. Personne ne dansait. Nous, on se tenait un peu à l’écart. Mes nouveaux compagnons de route voulaient à tout prix que je danse, étant donné qu’il n’y avait personne, j’ai longuement hésité. Au bout d’un moment, deux villageois m’ont fait signe de venir. J’y suis allé une fois, deux fois… et là je me suis lâché. Alors les villageois sont venus petit à petit, jusqu’au moment où tout le monde s’est mis à danser. Un moment inoubliable pour moi! A la fin de la fête, j’ai été présenté au maire du village, au président du district d’Arequipa et à leurs femmes. J’ai dansé avec elles sous le regard de la population. C’était extraordinaire!

Le lendemain, nous sommes allés vers Llahuar, un chemin très peu emprunté par les touristes qui se rendent au canyon de Colca. On a fini dans des eaux à 38 degrés en bord de rivière et sous un tapis étoilé avant de refaire une nuit plus loin pour finalement revenir au village.

De là chacun a repris son chemin. J’ai pour ma part filé vers Cusco – où je n’ai pas aimé me faire harceler toutes les cinq minutes pour un massage ou une peinture – et le Machu Picchu. L’endroit est magnifique mais bondé de touristes! Je n’y retournerai plus!

Puis c’était l’heure de rentrer en Bretagne… mais je n’étais même pas parti que l’envie de retourner au Pérou se manifestait déjà.

Depuis, tu y es retourné à trois autres reprises… Quand et dans quel but?

Je suis d’abord retourné au Pérou deux mois en 2011 après quinze jours passés en Bolivie et quinze autres au Chili. Le fait de n’avoir pu consacrer que si peu de temps à un tel pays lors de mon premier voyage était plutôt frustrant… Je n’avais pas eu le temps de voir quoi que ce soit.

Ensuite, j’y ai à nouveau mis les pieds en mai 2012 pour découvrir de nouvelles zones comme l’Amazonie, le canyon de Cotahuasi et la cordillère Blanche. Alors que je pensais initialement passer sept mois là-bas, je suis finalement rentré en novembre 2012 pour des raisons personnelles.

J’ai ensuite enchaîné avec une épopée d’un an. A la base je devais faire du woofing dans les environs de Quinua, mais c’est finalement tombé à l’eau. Suite à cela je suis tout de même resté à Quinua, et ce malgré quelques hésitations au début. Pour me faire quelques sous, j’ai commencé à travailler dans les champs et nettoyé des jardins, et le week-end, je vendais des crêpes aux villageois. Je suis même parrain d’un enfant du village.

Finalement tu as décidé d’ouvrir une ludothèque dans ce fameux village de Quinua… Comment t’es venue cette idée?

L’idée est venue à deux. Un autre Français dont le projet dans un autre village n’a pas abouti a participé aux trois premiers mois d’élaboration de Warma Suyus et suit toujours, avec un peu plus de distance, son évolution. Ça n’a pas toujours été simple… On a d’abord frappé à la porte de la mairie pour trouver un local. Mais malheureusement celle-ci voyait ce projet plus sous l’aspect commercial. Nous avons donc très vite décidé de faire sans eux.

Pour finir, la situation s’est déverrouillée après que la famille dans laquelle nous résidions ait acceptée que l’on utilise une partie de leur maison. Un vrai bonheur sur le moment! Plus tard, deux autres Français sont arrivés au village, faisant ainsi passer l’équipe à quatre. Une aide bienvenue qui a permis de faire les travaux de base nécessaires pour l’ouverture d’une bibliothèque (confection d’étagères avec du bois de récupération, électricité, peinture…)

Et au niveau investissement, en temps et en argent, qu’est-ce que cela représentait?

On a eu une petite aide financière de Solidaile pour la peinture et les câbles électriques ainsi que pour la fabrication d’une carte du monde. Puis, chacun de nous a acheté une encyclopédie et deux ou trois livres. Nous avons aussi organisé une soirée. Le prix de l’entrée était un livre, pour aider à lancer le projet… Cela nous a tout de même permis d’en récolter 50!

Plus tard, les Français qui m’aidaient depuis un bout de temps sont partis. J’ai alors reçu de l’aide de deux autres compatriotes, puis, sur deux semaines, l’aide de trois Belges rencontrés lors d’un périple en pirogue. Comme quoi tout est possible!

L’argent que je gagnais avec mes diverses activités, et principalement avec la vente de crêpes, me permettait d’acheter des stylos, de la peinture et d’autres fournitures diverses et variées. Une amie de Lima m’a aussi offert un sac rempli de livres scolaires, ce qui m’a permis de bien étoffer la bibliothèque.

La télévision péruvienne m’a également contacté pour réaliser un reportage sur mon projet. Les personnes de cette chaîne m’ont offert un carton avec des livres et des puzzles. Je leur en suis très reconnaissant, d’autant plus qu’ils ont promis de continuer à m’aider!

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Comment ton projet a-t-il été accueilli par les locaux?

Les locaux ont tout de suite adhéré à l’idée. Mais c’est compliqué de trouver un responsable parmi eux pour s’occuper de la bibliothèque.

Et par tes proches?

Ils étaient fiers de ce que j’avais réalisé ! Et un peu surpris aussi. Voilà pourquoi j’adore cette expression qu’une personne âgée rencontrée au Pérou m’a une fois dite : «todo es posible y nada es seguro», autrement dit «tout est possible, rien n’est certain».

A l’heure actuelle, à quel stade ton projet se trouve-t-il? Des idées d’évolution à court, moyen et long terme?

A mon retour en France, je pensais que le projet tomberait à l’eau. J’ai cherché de l’aide pendant un an auprès d’associations. Mais aucun succès de ce côté-là. Je pense que le fait d’avoir effectué mes recherches en solo a été un frein. J’ai donc finalement orienté mes recherches vers les voyageurs, et depuis, ça avance. Il y aura du monde à partir de début décembre 2014 et d’autres personnes enchaineront début 2015.

J’espère une continuité à long terme, que la bibliothèque puisse être constamment active. Ça me permettra de débloquer des livres provenant de Lima. Le but pour l’instant c’est de faire tourner la bibliothèque. Chacun apporte sa pierre à l’édifice avec ses capacités propres, que se soit pour des activités artisanales, musicales, théâtrales ou sportives. Si cela fonctionne comme je l’espère avec ces personnes – qui me donnent un coup de main essentiel –, on pourra ensuite envisager d’ouvrir d’autres centres culturels dans les villages voisins. Quelques mairies m’en ont d’ailleurs fait la demande lorsque j’étais là-bas. Il y a aussi la possibilité d’organiser des expos sur les cactus, la feuille de coca, le café ou encore le quinoa…

C’est difficile de gérer le projet depuis la France. Surtout en ce moment où je dois coordonner les arrivées et les logements… Mais je prends du temps pour le faire, c’est de la bonne énergie! La population de ce village le mérite, et je suis d’ailleurs souvent en contact avec eux.

Pourquoi aimes-tu tant le Pérou?

C’est la question que beaucoup me posent. Le Pérou est un vaste pays riche de nature, rempli de beautés et de paysages merveilleux. On passe de la mer au désert, du désert à la montagne et de la montagne à la jungle. Et puis le pays possède une population en or, au même titre, je suppose, que les pays voisins! A vrai dire, je n’ai pas de réponse précise… peut-être qu’un jour je la trouverai!

Comptes-tu t’installer au Pérou dans les mois ou années à venir?

M’installer? Pour le moment je n’en sais rien. Y retourner? Oui! J’y retourne fin septembre 2015 pour deux mois afin d’aller voir les amis, vérifier le bon fonctionnement – si il y en a un – de Warma Suyus et pour apporter des livres en anglais et en français.

Un conseil aux gens qui souhaiteraient se lancer dans une aventure similaire?

Faites vous plaisir et apportez du plaisir aux autres. Surtout dans de tels endroits. Ils n’ont rien et nous donnent tout. Si chacun peut leur donner un peu, on construira ce partage de vie. Ce projet peut apporter beaucoup au niveau de l’éducation des enfants. Malgré mes difficultés en espagnol que j’ai appris sur le tas, je l’ai fait et les enfants et le village me l’ont rendu! Un bonheur et une réussite si cela arrive à s’installer sur la durée. Je n’aurais jamais misé un sous là-dessus… et maintenant je me bats pour que ce projet continue!

humanitaire perou

Envie de soutenir Arnaud dans son projet et ainsi permettre d’améliorer le quotidien des enfants du village de Quinua? Que ce soit en tant que volontaire (il en faut!) ou pour une contribution matérielle… Contactez-le via la page Facebook de Warma Suyus, par e-mail voire même via le formulaire de contact du site. Je tâcherai de faire suivre et de vous mettre en relation le cas échéant.

Mise à jour (24.07.2015)
Warma Suyus dispose maintenant d’un site internet. Découvre-le sans plus attendre.

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par Jessy Caiado Durée de lecture: 7 min
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