Favela da Rocinha Rio de Janeiro

7 choses que je retiens de mon voyage au Brésil

En juillet dernier, je mettais les pieds en Amérique du Sud pour la seconde fois de mon existence. Après la Colombie, le Brésil. La période choisie était plutôt atypique puisque j’étais arrivé à Rio de Janeiro deux jours avant la fameuse victoire 7-1 de l’Allemagne sur le pays hôte. Un match que j’avais d’ailleurs pu suivre sur le sable de Copacabana. Jusqu’à la mi-temps. A la déconvenue (restons polis) auriverde s’était jointe la pluie. Elle était là, ma première surprise. Sur mes pieds d’un blanc européen, ruisselait un mélange d’eau, d’houblon et probablement d’urine, elle aussi houblonnée. Groggy, une grande partie de la foule brésilienne refusa la douche tiède après la froide et rentra chez elle. Moi aussi. Un match devenu inintéressant et de la pluie versus la quotidienne free Caipirinha (notez la majuscule) de mon auberge de jeunesse, le choix était vite fait.

Des voyages en taxi surprenants et instructifs

Dans la culture moderne, on associe très rapidement taxi avec New York. Merci Hollywood. Néanmoins, je doute que leurs chauffeurs soient aussi passionnants que ceux que l’on peut trouver au Brésil. Le chauffeur de taxi brésilien peut être très causant, très aimable et faire figure d’excellent ambassadeur pour son pays. Il peut aussi tenter de vous arnaquer. Il peut ne pas vraiment savoir où il va et faire mine que, oui, il sait exactement dans quelle rue il se trouve… avant de vous demander s’il doit tourner à gauche ou continuer tout droit. Mais je vous parlerai de tout ça plus en détail dans un prochain article.

En somme très rares ont été les courses s’étant résumées à un vulgaire face à face avec une vitre poussiéreuse. Parfois j’aurais préféré. Il faut dire que le fait que je parle portugais favorise grandement les échanges.

Culte de l’apparence vs laisser-aller

Le Brésil est un pays de contrastes. Ce sont ses influences européennes, africaines, et bien évidemment amérindiennes qui, depuis 1822, ont contribué à modeler le Brésil actuel. Quel autre pays au monde peut se targuer de posséder une diversité culturelle si riche? Mais ça, il suffit d’ouvrir quelques bouquins pour en prendre conscience.

Plus surprenant par contre, l’attention presque obsessionnelle que portent certains Brésiliens à leur corps, opposé à d’autres qui s’ouvrent une voie royale vers un diabète de type 2. Le contraste est particulièrement saisissant lorsque vous vous promenez sur le trottoir qui sépare la plage de Copacabana de l’Avenida Atlântica. En effet, athlètes avertis et adeptes de pastéis (sorte de beignets fris et farcis de tous types d’ingrédients) se mélangent volontiers sur ces quelques 4,5 km de pavés noirs et blancs. Mais pour différentes raisons. Les premiers, à pied ou à vélo, viennent ici pour se dépenser et sculpter leur corps. Compréhensible me direz-vous dans une ville où le bikini est à la mode de janvier à décembre. En plus, la ville de Rio de Janeiro développe depuis 2010 un concept plutôt original matérialisé par la présence d’une quarantaine d’instruments de musculation le long de ses plages. Les autres, les bons vivants, se baladent à un rythme plus décontracté et n’hésitent pas à se laisser tenter par les gourmandises proposés par les dizaines de bars circulaires qui jonchent les abords de la plage.

Si chacun a bien évidemment le droit de vivre la vie qu’il ou elle souhaite, ce sont ces deux extrêmes particulièrement marqués qui ont retenu toute mon attention lors de mon séjour à Rio.

Oui, Rio est dangereux, mais pas tant que ça finalement

On la connaît, la sale réputation de Rio. Haut lieu de trafics, les images des blindés de la BOPE qui ballaient les ruelles étroites des quartiers à risques ne sont pas étrangères aux habitués des chaînes d’information. Avant mon départ, j’ai épluché les forums à la recherche de conseils, d’avis, de suggestions. Où ne pas aller, que faire si… Après plusieurs heures passées à assimiler les témoignages d’autres voyageurs, la psychose commençait à s’installer. Il était maintenant clair; le smartphone restera à l’auberge, je ne sortirai qu’avec quelques billets dans la poche, et le reflex sera exclusivement réservé aux lieux très denses en touristes type Pain de Sucre et Christ Rédempteur.

Rio de Janeiro

Finalement, après une journée d’acclimatation, j’ai pu constater que les témoignages relatants vols, braquages et autres trouvés sur internet étaient largement surfaits. Si je ne doute pas que ces personnes aient vécu des expériences plutôt désagréables, la très grande majorité des locaux ne semblait pas plus gênée que ça à l’idée de sortir dans la rue avec des valeurs chiffrés à plusieurs SMIC brésiliens (280 CHF/230 EUR). J’ai donc décidé de faire pareil, et, au final, rien ne m’est arrivé; même pas un simple regard intéressé. Au bout de quelques jours je n’hésitais même plus à dire que je venais de Suisse. Les gens étaient d’ailleurs plutôt ravis de voir autre chose qu’un Anglo-Saxon ou un Argentin en cette période de Coupe du Monde. Parfois même un peu trop. Alors que je marchais en direction de Copacabana pour voir la finale, un Brésilien, assis à la terrasse d’un café, intrigué par le drapeau suisse que j’arborais sur mes épaules, m’interpelle, me parle de football, et me propose le rail de coke de l’amitié. Il devait être réellement enchanté de voir un Suisse passer dans son quartier ! Un père de famille m’a même pris en photo avec son fils quelques heures plus tard sur la plage. C’était plus pour mon drapeau rouge à croix blanche que mon sourire ravageur, je dois l’avouer.

Néanmoins, je sais que d’une certaine manière je suis passé entre les gouttes. En effet, un Israélien que j’ai rencontré quelques jours plus tard à Paraty (4h de bus au sud de Rio) m’a dévoilé qu’il avait été victime d’un vol à main armée en pleine journée dans le quartier de Botafogo, à quelques rues de mon auberge et proche d’un centre commercial très fréquenté. Majoritairement habité par la classe moyenne, Botafogo est ainsi considéré comme étant une zone calme de Rio. Deux jeunes hommes sur une moto, un lecteur MP3 un peu trop visible, et voilà que cet Israélien se retrouvait pointé par ce qui était d’après lui un Colt 45. Après 3 ans au service de Tsahal, les armes ne lui étaient pas totalement étrangères.

Fiers d’être Brésiliens, mais pas du Brésil

Alors que la travailliste Dilma Rousseff vient tout juste d’être réélue pour un second mandat, certains Brésiliens doivent certainement l’avoir amer. Ayant essentiellement voyagé dans la partie sud du pays, où le social-démocrate Aécio Neves a dominé la présidente sortante, le résultat de cette élection me surprend quelque peu. En effet, tous les jours, et certainement à juste titre, je pouvais entendre des critiques appuyées envers le gouvernement en place.

Mais le Brésilien est un homme très fier. N’allez surtout pas dire quelque chose de négatif sur son pays, même si la critique est objectivement fondée. Spécialement s’il a un peu bu, expérience faite. Je généralise, bien sûr, mais c’est une tendance qui existe bel et bien.

Certains coins sont presque aussi «safe» que Monaco

Lors de mon passage dans le sud du Pantanal, aux alentours de Miranda (MS), j’ai, une soirée, pu discuter longuement avec l’un des cowboys du ranch dans lequel je logeais. De mon âge (22), Enderson m’a parlé de son pays, de sa région, le Mato Grosso do Sul, de son quotidien au ranch et de politique. J’étais d’ailleurs très surpris de voir à quel point ce jeune homme, qui a grandi presque au milieu de nulle part, s’intéressait à la politique et au développement du Brésil. D’après ses dires, appuyés plus tard par un de ses collègues, les villes de Campo Grande et Cuiabá, véritables portes d’entrées du Pantanal, ainsi que Porto Alegre et Floriánopolis à un degré moindre, sont très différentes de Rio de Janeiro, São Paulo, Salvador et Brasília en terme de sécurité/criminalité. Si différentes qu’Enderson m’a attesté qu’il est tout à fait commun de ne pas verrouiller sa voiture dans les deux métropoles du Mato Grosso et Mato Grosso do Sul. La réceptionniste de l’auberge dans laquelle j’ai passé deux nuits à Campo Grande m’avait d’ailleurs mis en conditions quelques jours auparavant sans que j’y prête réellement attention sur le moment : «Ici les gens sont très sympas, tu peux sortir tranquille, c’est pas comme à Rio.»

Pantanal

Capybaras et caymans cohabitent sans problèmes, ici près de Corumbá.

C’est vrai que lors de mon passage à Campo Grande, j’ai ressenti un vrai calme européen. Les inégalités sociales étaient quasiment indécelables et les rues beaucoup plus propres. Les gens, moins habitués à voir des touristes qu’à Rio ou autres, me regardaient parfois d’un drôle d’air avec mon gros Nikon. Mais sans agressivité. Il y a définitivement plusieurs Brésil-s !

Les Mauricinhos et Patricinhas

On m’avait pourtant mis en garde. Mais je ne m’attendais pas à un tel degré de condescendance. Les termes «Mauricinho» et «Patricinha», qui, en français, peuvent se traduire par «Petit Maurice» et «Petite Patricia», sont utilisés pour désigner, de manière péjorative, les fils et filles à papa. Si en Europe j’arrive à «faire avec», au Brésil le challenge est tout autre. Explications.

Un soir, avec deux amis Hollandais et un Suédois, nous décidons d’aller dans un club réputé de Barra da Tijuca – Boate 21 pour les connaisseurs – où une soirée mi-sertanejo mi-électro devait se tenir. Quelques jours plus tard une Brésilienne m’apprendra qu’en me rendant à une soirée sertanejo j’avais tendu le bâton pour me faire battre. En effet, les Mauricinhos et Patricinhas sont de fidèles adorateurs de ce style musical qui s’apparente à une sorte de country pop très accordéonisée type Michel Telo et Gusttavo Lima.
Nous avons dépensé 70 reais (26 CHF/22 EUR) chacun pour l’entrée, déjà là, ça sentait pas bon. Malgré tout, le club était très moderne, sans doute le plus agréable que j’aie pu connaître en terme d’infrastructures. La musique était bien, l’alternance sertanejo-électro était parfaitement calibrée. Nous nous amusions, nous quatre, seuls sous le regard surpris de dizaines de Brésiliens assis à leurs tables, cocktails colorés en main. Figés comme des status de cire au maquillage ruisselant lorsque l’électro faisait rage, seuls quelques petits mouvements de bassin et des cris aigus venaient garnir les notes de sertanejo. Tout le monde était là-bas pour se montrer, sauf nous quatre et quelques Brésiliens éméchés. Au final, tous les regards (remplis de mépris, certes) étaient tournés vers nous. Visiblement dans ce club, si vous aviez le malheur de danser, vous passiez rapidement pour un hérétique. En plus, en tant qu’étranger, il est plutôt ardu de séduire la Brésilienne aisée du fait des idées conservatrices dans lesquelles nombre de familles de «la haute» baignent. Une Brésilienne doit marier un Brésilien, point barre ! Sinon, c’est la honte. C’est ce qu’on m’a dit en tout cas. Mais ce fut une excellente soirée. Une soirée qui s’est d’ailleurs terminée à 6h du matin; Barra c’est pas la porte à côté pour un Botafoguien…

Lapa

Ah Lapa… Sur dix soirs passés à Rio, six d’entre eux se sont déroulés à Lapa. Redouté par certains locaux, ce quartier bohème est sans doute le plus dynamique de la ville une fois la nuit tombée. A Lapa se côtoient fêtards d’horizons variés; qu’ils soient amateurs de samba, de MPB (musique populaire brésilienne), de forró, reggae, rock ou électro, tout le monde y trouve son compte. Facilement identifiable grâce aux fameuses arches (Arcos da Lapa), le quartier est particulièrement animé les vendredis et samedis soirs, où les deux rues principales deviennent officieusement piétonnes. Si bien que lorsqu’une série de taxis tente de se frayer un passage au milieu de la foule, les policiers n’hésitent guère à faire usage de sprays au poivre pour désengorger la fourmilière. Quartier dit risqué, Lapa ne m’a pas semblé, moi, homme aux traits latins, si dangereux que ça. Malgré tout, deux connaissances brésiliennes s’y sont faites volées leurs téléphones portables la même semaine. Beware!

Lapa

Lapa un vendredi soir de Coupe du Monde…

Outre les bars, restaurants et quelques clubs, des dizaines de marchands de rue proposent nourriture et boissons en tout genre. Mais aussi herbe, coke et crack. Malgré un grand nombre de personnes dans un état second, l’atmosphère reste plutôt bon enfant. Les fêtards sont bien moins agressifs que dans certaines villes européennes. Enfin, ça c’était sans compter sur les Argentins, très… imposants. Il faut dire qu’ils avaient fait le déplacement en nombre pour cette Coupe du Monde. Lapa c’est aussi un coin «intéressant» pour les adeptes de personnes transgenre. Une rue entière, adjacente à l’artère principale, y est réservée.

Vous l’aurez compris, on trouve véritablement de tout à Lapa, et c’est justement ça qui donne tant de charme à cet endroit. Et ce qui est génial c’est que, quelque soit l’origine, la classe sociale ou l’orientation sexuelle d’une personne, tout le monde arrive à faire la fête avec tout le monde. A Lapa, on oublie ses a priori et on profite, sans juger l’autre qui franchi une ligne (et je ne parle pas nécessairement de coke!) que vous n’auriez pas pu franchir. Arf, j’ai tellement de choses à dire sur cet endroit que je pourrais en écrire un livre. Mais l’article est déjà bien assez long n’est-ce pas?

Et vous, que retenez-vous de votre voyage au Brésil ?

Note

Les valeurs exprimées en CHF et en EUR ont été calculées sur la base du taux de change applicable le jour de publication de cet article. Pour des valeurs actualisées et donc plus précises, je vous conseille de procéder vous même à une conversion de la somme exprimée en monnaie locale au moment propice.

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Vox populi

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7 choses que je retiens de mon voyage au Brésil

par Jessy Caiado Durée de lecture: 9 min
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